La Bonne Aventure par Jean Martellière

Lundi 27 juillet 2009, par Fil — Historique

Fin mai l’an dernier, Françoise m’a mis sur la piste de trois ouvrages, dont elle disposait de fragments. Elle en avait recopié quelques pages à la main.

Ces trois livres sont :

  1. Histoire de la Condita de Naveil, par Neilz ; ce livre se trouve au fonds local de la bibliothèque de Vendôme, il est tout à fait riche, et très détaillé sur l’histoire du Fort.
  2. Épigraphie et iconographie du Vendômois, par A. de Rochambeau (pas encore trouvé ce livre).
  3. enfin, Bulletin vendômois 1905. Celui-ci se trouve en intégralité sur archive.org.

Je reproduis ci-dessous l’article de Jean Martellière, paru dans le Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois (1905 et 1906, volumes 44 http://www.archive.org/details/duve... et 45 http://www.archive.org/details/duve...), lequel comme on le verra cite La condita de Neilz, qui est donc la référence.

La dernière partie de ce long article m’amuse beaucoup : l’auteur s’en prend à un auteur parisien avec cet humour caustique qu’on retrouve dans les bons trolls qui se déroulent aujourd’hui sur Internet.

Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois (pages 257 et sq., PDF pap. 631 et sq.)

LA BONNE AVENTURE
DU GUÉ-DU-LOIR

SES PROPRIÉTAIRES — SES HÔTES

PAR
M. JEAN MARTELLIÈRE

A notre époque, les noms de lieux n’ont plus guère
qu’une signification purement conventionnelle : ou bien
en effet le sens primitif du nom commun, par lequel s’énonçait la caractéristique du lieu, a depuis des siècles cessé
d’être entendu ; ou bien le nom d’homme duquel dérive le
nom de lieu, n’avait déjà plus une signification bien précise
lorsqu’il servit à baptiser le lieu. Mais le public, beaucoup
plus pressé que les chercheurs, et qui tient à se foire des
choses comme des gens, une idée rapide et du reste
généralement fausse, a depuis longtemps pris l’habitude
d’attacher, de lui-même, et sur la seule physionomie des
mots, un sens quelconque aux noms de lieux.

La Bonne Aventure en fournit le plus déplorable
exemple. Voilà une terre qui, parce qu’elle se trouve
située à proximité de deux gués, celui du Boulon à cent
mètres, celui du Loir à deux cents, se trouve indissolublement accolée à un refrain et à un air que l’on s’accorde
à considérer comme grivois.

La Bonne Aventure au Gué ! Il paraît que ces cinq
mots pourtant bien innocents par eux-mêmes, ont acquis,
de par la tradition, un sens aussi précis que croustillant.
Que si, sans penser à mal, un benoît archéologue s’avise
de les fredonner sur l’air consacré et conservé par
Molière, la dame qui se trouve là se croit obligée de
rougir, et même si elle ne le peut, de déployer vivement
Téveutail. Si le geste est élégamment exécuté, ce sera
toujours autant de gagné pour le plaisir de l’œil, mais ce
sera autant de perdu pour l’explication.

Car elle est encore à venir, l’explication ! Jusqu’à
présent tous les auteurs l’ont esquivée, se contentant de
cligner de l’œil, et de mettre en trois lignes fortement
inégales le refrain qui seul nous a été conservé. Et nous
voilà bien avancés de voir ce gué si court entre ces deux
« bonne aventure » si longues !

Pourquoi un gué, nécessairement rempli d’eau générament vive, dans laquelle il faut se résoudre à plonger
ses deux pieds jusqu’à la jambe, inspirerait-il des idées
plus combattives qu’un champ de blé par exemple ? On
voudra bien m’accorder que l’action ne peut vraiment
pas se passer dans le gué lui-même ; ce serait donc sur
ses bords, dans un pré ; pourquoi alors ne pas parler du
pré, qu’ont tant chanté Ronsart et la Pléiade, et pourquoi
mettre en vedette le gué qui aura tout au plus fourni
l’occasion au sexe fort de déployer la gaucherie de ses
attitudes, parce qu’il aura voulu remplir l’office de saint
Christophe ?

Gomment se fait-il d’ailleurs que notre gué fût le seul
aussi brûlant, et pourquoi les autres n’avaient-ils pas la
même efficacité ? Ils étaient pourtant bien nombreux
autrefois les gués qui coupaient si gentiment nos vieux
chemins. Le Loir à lui seul les comptait par dizaines
dans sa traversée du Vendômois, et pourquoi a-t-on
donné ce nom générique de « Gué-du-Loir » à un village
bâti originairement dans la vallée du Boulon, et tout
près de son gué ?

C’est pourtant ce gué du Boulon, et non le gué dans le
Loir, qui constitua pendant vingt ou trente siècles, la
limite des Cénomans et des Carnutes, puis des diocèses
du Mans et de Chartres. Jusqu’à la Révolution le diocèse
du Mans posséda, depuis Varennes, tout le territoire enfermé
par la première boucle du Loir, c’est-à-dire Thoré et sa
banlieue. Au sommet de cette boucle vient se jeter le
Boulon ; mais cent mètres avant son embouchure, il est
traversé par la très ancienne route de Vendôme au Mans
par Savigny, « à un gué nommé le Gué-du-Loir », dit
très gravement M. de Pétigny (1). A ce même gué du
Boulon venait se croiser le très ancien chemin du Bas-Vendômois qui regagnait à la Ville-aux-Clercs, par Azé
el Danzé, la vieille route de Paris à Tours. C’est cette
croisée de routes qui constituait h limite des cités
gauloises, puis des diocèses chrétiens.

Il fallait une protection à chacun des territoires. Les
Cénomans avaient les grottes du Breuil, les Chartrains
eurent l’éperon par lequel se termine le coteau de Saint
André. C’était l’extrémité de notre pays vendomois ; c’en
fut la défense jusqu’aux temps modernes. Le Fort du
Boulon
se percha à l’extrême pointe du promontoire qui
fait face au Bas-Vendômois, et couvrit si efficacement le
Haut-Vendômois que pour une fois, en 1421, les Anglais
subirent une vraie défaite (2), à son pied, dans la vallée ;
et ce fut, pour les Français qui en avaient perdu l’habitude
une véritable bonne aventure.

(1) Histoire Archéologique du Vendômois, par J. de Pétigny, 2e éd.
1882, p, 34.

(2) Voir la description du fort et de la bataille dans la Condita de
Naveil du savant Neilz, pp. 115 et 116.
Voir article de M. Bouchet. Bulletin 1870, p. 209.

— 260 —

Simple rapprochement que je me garderai de proposer
pour une étymologie. Car c’est dans la propre histoire
de la Bonne Aventure, et dans l’humeur de ceux qui
l’auraient possédée ou visitée, que l’on doit chercher,
nous a-t-on dit, le sens qui s’est attaché au nom.

Jusqu’à présent cette histoire n’a reposé que sur des
légendes, et j’ai le regret de constater que c’est l’abbé
Simon qui les a le premier mises en circulation.

D’après lui cette terre aurait été, pendant trois siècles
et demi, un bien de moines. D’abord les Templiers, qui
ont laissé une réputation toute différente de celle de leur
proche voisin, le dragon des grottes S^-André, qui allait
à la rivière quand il voulait boire. Vers 1150 les
Templiers auraient été installés à Vendôme par une dame,
du nom de Mathilde, qui leur aurait donné : la terre de
Fréteval (dont ils auraient construit la tour ! ), le prieuré
du Temple-lès-Vendôme, et la terre et seigneurie du
Gué-du-Loir (1).

En 1223 (2) les Templiers auraient cédé leur maison
de Vendôme aux Cordeliers, et se seraient retirés à
leur Hôpitau du Temple, gardant leurs biens ruraux. Ce
ne serait qu’après 1310, après la dissolution de l’ordre des
Templiers, que ces derniers biens auraient été répartis
entre les autres ordres religieux de Vendôme. Alors
échut aux Gordeliers « avec d’autres biens assez considérables, la terre et le fief situés près le Gué-du-Loir » (3).

Ce serait seulement alors que la terre reçut un nom
spécial, son nom actuel : ce Le respect, dit Simon, qu’on eut

(1) L’abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs, t. III
p. 87.

(2) L’abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs t. III
p. 90.

(3) L’abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs t. III
p. 93.

— 261 —

pour la mémoire de St-Bonaventure (qui en 1274 avait
présidé à Vendôme un chapitre provincial de Gordeliers)
fut cause qu’on donna à cette terre le nom de la
Bonne Aventure qui subsiste encore aujourd’hui. Les
Gordeliers y bâtirent un Hospice ou petit couvent qui
fut toujours habité par quelques-uns de leurs religieux » (1).

Arrêtons nous un moment, et demandons au brave
chanoine, qui écrivait vers 1760, où il a été puiser ces
renseignements.

Pas dans les titres du couvent, puisque lui-même
affirme (2) que (lIous les titres du couvent des Gordeliers
furent pillés lors de la prise de Vendôme par Henri IV
en 1589 », et plus loin (3) c( à leur retour (vers 1595) ils ne
trouvèrentnimeubles, ni vases sacrés, m les titres de leur
maison ».

« Un religieux cordeher, témoin oculaire des horreurs
dont je viens de parler et qui avait lu les anciens titres
de son couvent, nous en a laissé le récit sur une feuille
volante, qui est la seule pièce que j’aye pu trouver dans
le trésor ; et tout ce que dit ce religieux s’accorde
parfaitement avec ce que j’ai trouvé dans le chartrierdes
Bénédictins, et dans les titres de VHôtelde Ville (4) ».
(Hélas ! je n’ai pas retrouvé ces derniers).

Ge récit du cordelier, en latin, bien entendu, copié
intégralement par Simon (5), qui s’est donné la peine de
le traduire, et qui a donné sa traduction, ne fournit
qu’une page et demie de texte ; et tout en affirmant qu’on

(1) L’abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs p. 93

(2) L’abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs p. 85.

(3) L’abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs p. 105.

(4) L’abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs p. 105.

(5) L’abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs
pp. 106 et 107.

— 262 —

donna le couvent des Templiers aux Gordeliers « parce
qu’on les regardait pour lors comme des personnes plus
vertueuses et plus religieuses que les autres », la notice
ne dit pas un mot de la Bonne Aventure. Alors où
Simon a-t-il été chercher son étymologie baroque ? où
a-t-il vu que les Gordeliers auraient eu là un Hospice,
une succursale ?

Ce serait en 1503 que les biens ruraux auraient été
enlevés aux Gordeliers par le cardinal d’Amboise, qui est
pas mal arrangé par le rédacteur de la notice : (( nescio
quo motu (ne dicam avaritiae) pulsus, sub specie
reformationis, suis reditibus et copiis spoliauit ».

Simon nous a raconté, avec la verve qui lui est propre
quand il s’agit de narrer quelque bon tour de moines,
comme quoi ce cardinal s’avisa de vouloir faire régner le
bon ordre dans les maisons religieuses (1) et de remettre
en vigueur chez les Gordeliers la pratique de la
pauvreté (2) ; que les Gordeliers, pour éviter les commissaires que Georges alors à Blois leur envoyait, s’avisèrent
d’aller pendant neuf jours faire une procession quotidienne à la Bonne Aventure pour obtenir de la pluie ;
qu’ils partaient de si bon matin que les commissaires ne
purent jamais les trouver dans leur couvent ; qu’alors
Georges vint lui-même à Vendôme, « et pour les
assujettir à la pauvreté évangélique si spécialement prescrite par la règle de saint François, les dépouilla de tous
leurs biens, leur demanda les titres de toutes les terres
qu’ils possédaient. Alors il disposa de leurs biens, en
vendit une partie, entr’aulres la terre et le fief de la

(1) L’Abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs, p. 94.

(2) L’Abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs, p. 93.

— 263 —

Bonne Aventure, et en donna le prix aux pauvres » (1).
Ce n’était donc pas la peine de se plaindre du pillage
des titres du couvent en 1589, car les titres de la Bonne
Aventure n’y pouvaient plus être depuis un siècle, ayant
dû être remis, suivant l’usage très suivi alors, à
l’acquéreur de 1503.

Simon aurait pu en demander communication à la
famille de Musset. Qu’il l’ait fait ou non, il est sûr qu’il
n’a jamais vu les titres, car il y aurait vu ceci, qui détruit
complètement toute son histoire.

Ce n’est point un hospice qui fut fondé au XIV^ siècle à
la Bonne Aventure, c’est une simple chapelle particulière
que, vers le début du XVI^ siècle, le prévôt de Mazangé,
Gaygnier, avait érigée dans son bien patrimonial de la
Bonne Aventure, dans lequel il demeura, parce que le
château de la Prévosté était resté en ruines depuis les
guerres des Anglais.

Or en 1683, le traitant chargé de rechercher les biens
ecclésiastiques aliénés par le clergé au XVP siècle, afin
de faire payer le huitième denier à leurs possesseurs
actuels, s’avisa de soutenir « que la chapelle était en titre,
que la maison de la Bonne Aventure avait appartenu à
l’ordre de saint François, que ce domaine lui avait été
enlevé par le cardinal d’Amboise, pour la réformation des
Franciscains ».

(( Il fut soutenu au contraire (par la famille de Musset),
que la maison de la Bonne Aventure n’avait jamais fait
partie du domaine du clergé séculier ou régulier ; que le
nom de Bonne Aventure avait été imposé à ce manoir

(1) L’Abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs, p. 100.
Les éditeurs de 1834 ont bouleversé cette dernière phrase. Je l’ai
rétablie conforme au manuscrit de Simon.

— 264 —

daîis le XIV^ siècle, mais sans aucun rapport ni à saint
François d’Assise, ni à saint Bonaventure, que la chapelle
dont il s’agissait n’était point un bénéfice ».

Le généalogiste S’-AUais, qui nous donnait tous ce »
détails dès 1824, a eu évidemment en mains les titres de la
propriété et de ce procès d’impôts, puisqu’il peut rapporter la solution intervenue.

(( Sur le vu des titres et autres pièces produites,
M. Bazin de Bezons, intendant de la généralité d’Orléans,
rendit le 6 juillet 1683, une ordonnance par laquelle il
déclara le traitant mal fondé dans ses demandes » (1).

Sans doute, malgré la précision des renseignements,
il est difficile de s’en rapporter à la seule autorité de
Saint Allais, puisque les pièces de ce procès ne semblent
pas avoir été conservées. Mais nous avons encore des
titres originaux qui suffisent à démontrer que les Gordeliers
n’ont pu vendre ce domaine en 1503, par la bonne raison
qu’avant cette date il appartenait déjà à des particuliers.

M. de Pétigny déclare en note (2^ édition, p. 607) que
« les titres de cette terre constatent qu’elle appartenait dès
1478 à un chevalier nommé Thomas Thacquin. » Ce titre
ne semble pas avoir été conservé. Mais en 1854,
M. Ch. Bouchot a pris des notes (2) sur certains titres
qui se trouvaient alors aux mains de M. Renvoisé relieur,
et dont une partie seulement se trouve aujourd’hui aux
Archives de Loir-et-Cher.

Voici où se trouvent aujourd’hui les pièces originales
qui subsistent : aux Archives de Loir-et-Cher, dix pièces

(1) Saiat-Allais. Généalogie de Musset, p. 54. Ce passage que nous
résumons, a été copié intégralement par Rochambeau dans son Epigr.
et Iconogr. Vendômoises II p. 298, mais sans en citer l’auteur.

(2) Je saisis ici l’occasion de remercier notre collègue M. Bonhoure,
bibliothécaire municipal, à la complaisance duquel je dois la connaissance et la communication de ces notes.

 265 —

sur parchemin, datées de 1504, 1515, 1517, 1517, 1518,
1533, 1534, 1577 et 1643 ; à la Société Archéologique^
trois, datées de 1579, 1580, 1589, données par M. de
Sachy ; à la Bibliothèque municipale, une, de 1592 ; et
M. de Sachy possède encore les titres de 1643 à la Révolution.

En 1501, le 21 avril après Pâques, « noble homme
messire Théaudore de Pavye, chevalier, conseiller et
médecin ordinaire du Roy nostre sire, et seigneur de
Bonne Aventure, en la paroisse de Mazengé », fait acheter
par son escuyer noble homme Pierre Vyger : « un quartier
de pré, en la rivière de Mazengé joignant d’un bout au
vieulx biez de la rivière )) tenu de Monseigneur le
Prévost de Mazangé, pour le prix de 10 livres 5 sols
tournois, payé en 4 escuz au solleil, vallant la pièce
36 sols 6 deniers tournois.

Ce Théodore, dont le nom patronymique est Le Gaynier,
dit M. Bouchet, serait originaire de Pavie, et serait un
des nombreux Italiens que les guerres d’Italie avaient
amenés dans notre pays (les Franceschi à Rougemont, les
Salviati à Talcy, les Sardini à Blois, les de Pogge et les
Balbany à Vendôme, etc.). Notre bibliothèque municipale, dit encore M. Bouchet, possède de nombreux
manuscrits du XVI« siècle, d’origine italienne, et traitant
presque tous de sciences et de médecine. L’un d’eux porte
les armoiries de Théodore, et la plupart cette inscription bienveillante : « Sum Theodori Gaynerii et amicorum ».

En 1504, le 24 avril après Pasques, il achète encore,
tant en son nom « Théodore le Goynier » qu’au nom de
sa femme qui apparaît pour la première fois, & Elayne de
Guillemon », a. la moicté de une sexterée (donc 31 ares)
de terre en esguUler, à la mesure dud. Mazengé, jprès

— 266 —

la justice (1) du dit Mazengé pour le prix de sept escus
d’or au sollay. « Il se qualifie toujours de seigneur de
Bonne Aventure, et il est présent à l’acte, passé comme
le premier, « en nostre court de Mazengé ».

Le 13 may 1504, le même seigneur de Bonne Aventure,
toujours chevalier, toujours médecin du roi, qui s’appelle
cette fois Théodore Le Goisnier, fait, en la court de
Mazengé, un échange avec Thomas du Broullart de choses
héritaulx. Théodore cède un quartier de pré aux
Granches, paroisse d’Azé et de Mazangé en tournée, et
reçoit « en récompense ung tiers de 2 quartiers de pré
gainables estant en indivis avecq ledit chevallier, assis au
Gué-du-Loir. » Ce du Broullart ne peut être qu’un beau-frère ou un cousin germain ; un autre du Broullart,
Guillaume, est un des joignants du pré des Granches.

En 1515, Théodore est décédé. Sa veuve, appelée cette
fois (c Hélène de Gullivon, dame de la Bonnaventure »
et « maistre Charles Le Guaynier, prévostde Masangé et
chanoine en l’éclise Notre-Dame de Chartres bachelier
es loys et en décret » (assurément son fils aîné et le
seul majeur de ses trois enfants), baillent à rente perpétuelle par acte du 3 may à * Roullet Fortin, notaire et
praticien en court laye demeurant en nostre ville dudit
Mazengé, (cung quart de quartier de pré situé au Pouérier-Juhart, dite paroisse, joignant d’ung costé à la rivière de
Boullon, d’autre bout à la veufve et héritiers feu Jehan
Augry ».

En 1517 la veuve a disparu à son tour. Elle laisse trois
enfants qui demeurent dans l’indivision. Le 16 aoust
comparaît (c en la court de Lavardin » c’est-à-dire devant

(1) La justice, ce mot servait à désigner les îourches patibulaires de
la juridiction. Et comme le gibet était une marque honorable de la
justice, on le plantait à l’endroit le plus élevé, donc le plus en vue.

— 267 —

un notaire de cette juridiction, « noble homme Claude
Le Gaignier fils de feuz nobles et puissants messire
Théodore Le Gaignier en son vivant chevalier et médecin
ordinaire du roy et de dame Hélène de GuUivon son
épouse, seigneur et dame de la Bonne Adventure, BouUon
et la Hacherye », qui vend « à honneste personne
Robin Le Molnier, marchant s’’ de Charchenay, paroisse
de S’-Rimay », une rente perpétuelle de « deux sextiers
myne de blé froment, que le vendeur luy a assise et
assignée sur la tierce partie yar indivis des héritaiges
cy après déclairés : »

« Le lieu mestairie et appartenances de la Hacherye,
dont jouit (à titre de fermier) ung nommé Seigneuret de
Lortie.

« Le lieu fié censif et seigneurie de Boullon ;

(( Le moulin vulgairement appelé le Moulin du Loir,
assis sur le Loir au lieu appelé la Hoterye, joignant aux
molins et choses des héritiers feu Jehan Augry ».

« Lesquels biens à luy escheus et advenus à titre
successif desdits feuz père et mère », pour le prix de
25 livres t^ payé comptant, avec stipulation de réméré
dedans 2 ans.

Quinze jours après, le U’ septembre, le même a Glaude
Le Gaingnier, escuyer, seigneur en partie de la Bonne
Aventure et de la Hacherie, et seigneur de Boullon, à
présent demourant en la paroisse de Maszangé », vend
au même Robin Le Molinier une rente perpétuelle de
* trois septiers quatre boueceaulx de blé », dont deux
sep tiers en mesteil « que led. vendeur a assis sur la tierce
partie par indivis des lieux et appartenances de la
Bonne Aventure et de la Hacherie et de Boullon ». Prix,
30 livres fs, employé 3 sols 4 deniers t^en vin de marché.

Le 4 décembre suivant « noble homme maistre Charles

19

— 268 -

Le Gaignier, bachelier es droiz, chanoine prébandé et
prévost de Mazangé en l’église de Nostre-Dame de Chartres », vend « un pré joignant d’un bout à la rivière de
BouUon, et d’autre bout à la vieille rivière du gué Saint-Georges, et deux quartiers de pré, sis à la Bonne Aventure,
joignant à la rivière et biez de dessoulz le grant molin
de Masangé ».

Résumons-nous, car l’année suivante la Bonne
Aventure va passer en d’autres mains.

Donc, dès 1501, il y a un fief de Bonne Aventure. Loin
d’appartenir aux Cordeliers, il appartient à un laïc, venu
de Pavie, il est vrai, Le Guaynier, médecin ordinaire de
Louis XII ; ce chevalier y est depuis un certain temps,
puisque, par lui ou par sa femme, il a par héritage des
biens indivis avec une famille du Broullart. Il décède en
même temps que son client et son roi, et ses trois enfants,
dont l’un est devenu prévôt de Mazangé, au Heu
d’augmenter comme lui son domaine, le vendent par
parcelle, ou même empruntent dessus, ce qui est pire.
Le fils écuyer me parait avoir eu de pressants besoins
d’argent à la métive 1517. Les parents avaient laissé : la
seigneurie de la Bonne Aventure, la métairie de la
Hacherye, le fief du Boullon, un des deux moulins de
la Hoterye sur le Loir.

En 1518, le propriétaire de la Bonne Aventure est un
marchand, Pierre Vie, demeurant en la paroisse de Lunay.

Par acte du 11 aoust, passé d en la court de Monseigneur le Duc (de Vendôme) à saint Kalès, demoiselle
Jehanne Le Gaingnier, femme et espouse de noble homme
Michel de Montfort, ratiftie... la vendicion... que son
rmri a faicte... à Pierre Vie, de telle part... qui pou voit

— 269 -

compecter et appartenir à lad. Jehanne du lieu maison
apartenances et deppendances de la Bonne Aventure sis et
situé près le Gué du Loir. »

En 1533, encore un nouveau propriétaire, mais celui-ci saluons-le au passage, c’est l’ancêtre de la famille de
Musset ; c’est : « noble homme Nycollas Girard, seigneur
de la Bonne Aventure, demeurant en la ville de Bloys,
paroisse Sainct-Soullaine et Claude de Saulle, sa femme »,
qui achètent le 19 juillet, par devant le notaire de
Mazangé, une bouesselée de terre soubz la Hacherye,
pour le prix de 4 livres t^ payé contant. Témoin : noble
homme Monseigneur Me Charles le Gaignyer prévost de
Mazangé.

Un peu plus d’un an après, le 29 novembre 1534, par
devant un notaire de Mazangé, le même Girard baille à
ferme pour 18 ans, moyennant une rente de dix septiers
de blé froment mesure de Vendosme, une pièce de terre
de 17 septrées de terre mesure de Montoire appellée les
Briêres, paroisse de Lunay. La suscription mise au dos du
parchemin indique Girard comme demeurant toujours à
Blois.

Ce Girard, qui m’a tout l’air d’un marchand de Blois
enrichi, est traité d’écuyer par d’Hozier (Reg\ I p. 399)
et de vicomte de Valogne par S^-Allais. Il fut le père de
Jean de Salmet qui lui succéda dans la seigneurie de
Bonne Aventure et la fortifia, et de Marie Girard dite de
Salmet, qui épousa le 8 février 1537 Claude Musset
écuyer, sgr. de la Courtoisie (en S^-Léonard), lieutenant
g-énéral au bailliage de Blois, comme son père Denis,
comme son grand-père Simon. Un des fils de Marie,
Guillaume Musset, épousa la fille de Cassandre. Et Marie qui
vécutjusqu’auxpremièresannéesdu XVÏIe siècle, recueillit

— 270 —

dès 1592 la Bonne Aventure dans la succession de son
frère, et la passa à son petit-fils Charles de Musset dit le
capitaine Bonnaventure ; seigneur à la fois de la Bonne
Aventure, et de la Courtoisie que sa trisaïeule Jeanne
de Bounas avait apportée dans la famille Musset et qui
lui venait de sa mère Jeanne de Villebresme, il put le
premier imposer à sa lignée dans laquelle M. Storelli a
trouvé Alfred de Musset, cette devise gaillarde : « Courtoisie, bonne aventure aux preuses ».

Nous voici arrivés au point intéressant de notre étude,
il faut nous recueillir, et renvoyer la suite au prochain

numéro.

(A suivre)

 

La suite se trouve dans le volume 45, original pages 201 et sq., PDF pages 229 et sq. :

LA BONNE AVENTURE
DU GUÉ-DU-LOIR

SES PROPRIÉTAIRES — SES HÔTES

PAR
M. JEAN MARTELLIERE

Suite et Fin (1e Partie, Bulletin 1905, pp. 257 à 270)

La devise si engageante, j’allais dire si écossaise, des
Musset « Courtoisie, bonne avanture aux Preuses », ne peut
dater que des premières années du xvir siècle, puisque ce
n’est qu’à cette époque que les deux fiefs de la Courtoisie
(en Saint-Léonard lès Marchésnoir, à 1 kil. O. du bourg)
et de la Bonne Aventure (en Mazangé, à 2 kil. au Sud ;
se trouvèrent réunis dans la main du même propriétaire,
Charles I de Musset.

C’est cependant un demi-siècle avant, au milieu du
xvi« siècle, que nos historiens locaux ont placé à la
Bonne Aventure « le séjour préféré des Ris et des’
Grâces ». Ils n’y sont pas arrivés du premier coup, mais
par réflexion, après des reotilicatlùiis successives, et à la
suite d’inductions dont ils se sont montrés très (iers.

Et c’est ici que commence l’histoire des Hôtes de la
Bonne Aventure, car personne ne s’esi encore avisé de

— 202 —

prêter à ses Propriétaires les bonnes aventures que l’on
se plaît à imaginer.

La légende, je me garde dédire la tradition, avait bonnement attribué au roi vert-galant (on ne prête qu’aux
riches) l’aventure, l’air et surtout la chanson dont
Alceste, depuis 1666, chante par deux fois le premier
couplet, avec une joie vengeresse, au nez d’Oronte,
l’homme au sonnet tarabiscoté. L’opération avait été si
simple ! il avait suffi de remplacer les mots : (c J’aime
mieux m’amie au gué », par ceux-ci, comportant le même
nombre de pieds « La Bonne Aventure au Gué » ; et
puisque notre Vendômois avait la chance de posséder un
fief et un manoir de ce nom, n’était-il pas évident que la
chanson ne pouvait faire autrement que d’y avoir été
vécue ? on se représentait si facilement le hon\oi assis en
lace d’une bouteille poudreuse, et à côté d’une belle
Gabrielle époussetée !

Il n’était pas besoin pourtant de grande réflexion pour
voir l’absurdité de pareille attribution. Même si la chanson avait existé avant Molière, même s’il n’avait fait que
changer le refrain, il n’en est pas moins certain que
c’est seulement en 1591 que Henri IV découvrit la belle
Gabrielle, et se mit au nombre de ses soupirants ; déjà
depuis deux ans, il se disait roi de France ; or, tout disposé
qu’il a été toute sa vie à donner Paris et même la France,
pour acquérir une nouvelle amie (on lui en connaît pourtant cinquante-six), il ne pouvait vraiment pas jouer en
même temps les deux rôles de la chanson : être le roi
Henri qui possède « Paris sa grand ville » et l’échangerait bien contre l’amie, et être aussi le gaillard qui refuse
le troc et répond sans hésiter : « Reprenez votre Paris,
j’aime mieux m’amie, oh ! gai ! »

— 203 —

M. de Pétigny n’a pas hésité à sabrer cette attribution :
n II n’habita jamais avec Gabrielle le Vendomois, et il
n’y a aucun fondement de vérité dans les traditions
locales qui veulent trouver des souvenirs de H^nri IV et
de sa belle maîtresse dans phisieurs manoirs du
pays » (1).

Mais comment renoncer à rattacher au pays une
légende aussi aimable ? M. de Pétigny crut tout concilier
en la mettant au compte du père d’Henri IV, Antoine de
Bourbon, notre deuxième duc.

(( Antoine était aimable, spirituel et bon, mais faible
et léger. Recherchant la société des jolies femmes et des
gais viveurs, il se plaisait à les réunir dans le petit manoir de la Bonaventure, près le Gué du Loir, qui appartenait à M. de Salmet, un de ses officiers. Là, chacun
donnait Ubre cours à sa verve et improvisait de joyeuses
chansons, parmi lesquelles on peut citer le refrain si
connu de La bonne aventure au Gué. Le couplet immortalisé par Molière : Si le roi m’avait donné Paris sa
grand ville, ne peut avoir été composé que par Antoine
lui-même » (2).

Eh ! quoi ! Antoine de Bourbon, premier prince du
sang de France, transformé en vulgaire fabricant de
chansons, racontant au public ses propres fredaines ?
Tout le monde sait pourtant que les princes de ce temps-là aimaient mieux les commettre, que de se colleter avec
la langue des Dieux qui leur fut toujours cruelle. Et
puis, quelle invraisemblance manifeste : le seul « roi
Henri » sous lequel ait vécu Antoine (1518-1502) est
Henri II de France (1547-1550). Alors, ce brave lioinme

(i) Histoire Archéologique du Vendomois, par .1. de Pélij,my, l"-’-
édition, 1849, p. 361 ; 2c édition, 18H2, p. 038.

(2) Idem, Ire édition, p. 342 ; 2" édition, pp. HO ? .’t COS.

— 204 —

de roi de la chanson, si pressé d’opérer le troc, qu’il
commence par donner avant même d’être assuré de recevoir, ce serait le long, sec, triste et ennuyeux Henri II !
Impossible ! impossible ! et c’est ici que le mot impossible est bien français.

Mais M. de Pétigny était dominé par la légende, trop
répandue dans le pays pour qu’il osât la passer sous
silence dans une histoire du Vendômois. Vingt ans
avant, le fantaisiste de Passac avait ainsi renseigné ses
souscripteurs :

« L’histoire semble perdre de vue le duc de Vendôme,
depuis l’époque de son mariage (1548) jusqu’en 1555.
Ce fut da7is ce temps (comment le sait-il, puisqu’il l’a
perdu de vue ?) qu’il habita le château de Vendôme ;
mais il aimait des habitations plus modestes, et il fit
disposer pour sa demeure une petite maison de campagne, à une lieue à l’ouest, sur les bords du Loir,
nommée Prépatour. Il s’y retenait (pour : retirait) de
temps en temps avec des personnes de son choix, et la
tradition rapporte que Ronsard et Rabelais étaient souvent de ces réunions qui passaient pour être plus que
gaies » (1).

Tout ce passage est tiré de Simon (2) qui se contente
d’appeler ferme ce que le pompeux de Passac traite de
maison de campagne.

c( Mais ces parties secrètes, continue de Passac, avaient
lieu surtout à la Bonne-aventure, à une lieue plus bas,
et près d’un hameau qu’on nomme le Gué-du-Loir. »

Ainsi, ce serait dès le début de son mariage qu’Antoine

(i) Vendôme et le Vendômois, par de Passac, 1823, p. 135.
(2) Histoire de Vendôme et de ses environs, par le chaDoine
Simon, vers 1760, tome I, p. 369,

— 205 —

aurait été faire la fête à la Bonne Aventure, avec
d’autres que sa Jehanne ?

Véritable^erreur historique, contre laquelle protestent
à l’envi, aussi bien les récits des contemporains que les
preuves les plus authentiques, car notariées. A son
mariage Jehanne d’Albret avait vingt ans et demi, et
n’aurait pas laissé à d’autres le soin de l’aire sa besogne.
c( La reine de Navarre, dit Brantôme, estoit jeune,
belle, et aimoit autanf une danse qu’un sermon. »

D’ailleurs, Antoine semble n’avoir jamais habile, ni le
château de Vendôme, ni le Vendômois. Loin d’être le
seigneur débonnaire, llànant et baguenaudant dans ses
domaines, que l’on s’est plu à nous représenter, tout au
contraire Antoine, tout duc de Vendôme qu’il était
depuis 1536, louait avant tout, précisément dans cette
période qui s’écoule de son mariage à sa royauté de
Navarre (1555), à demeurer le bon et fidèle fonctionnaire
du roi de France, très désireux de ne pas perdre sa
place de gouverneur de Picardie et de capitaine de cent
lances garnies. Presque constamment, pendant ces sept
années on le trouve dans son gouvernement, et à la
guerre, qui avait toujours lieu de ce côté. Et c’est parce
qu’il était très souvent éloigné de sa femme, qui restait
au logis, (ju’il lui écrivait, et qu’on a pu former un recueil
de ses lettres (1).

Elles sont nombreuses, ces lettres ; on n’y peut
trouver ((ue les traces de l’amour conjugal le plus vif.
Dame ! Antoine ét ;dt de son siècle ; il y paraît dans plusieurs passages, qu’il n’a cependant pas éprouvé le besoin
d’écrire en latin, peut-être craignait-il de n’être pas assez
bien compris.

(1) Lettres d’Antoine de Bourbon ri de Jehanne dWlhrrt, puMiées
p^r le ninrquis de Rocliambenu, Paris, Renouard, in-X", IS77, xl ot
417 itagcs.

14

— 20(3 —

Les rapprochements étaient peu fréquents, contrariés
par le service, par les espions du roi de France, par le
désordre entraîné par une guerre presque permanente.
Lorsaue les époux avaient attendu plusieurs mois,
je laisse à penser si Antoine tenait ce qu’il promettait avec
tant d’ardeur ; trois enfants sont nés avant 1555.

Antoine n’a fait à Vendôme et en Vendomois que de
brèves apparitions ; j’ai pu en retrouver quelques-unes :

lo 0. L’an 1547, le 29 d’octobre. Monsieur de Vendôme, arriva en la ville de Trou, et pris son logis en la
maison de la Voûte ))(1).

C’est le chanoine de Troô, messire Garault, qui nous
donne ce renseignement. François Ier était mort le
31 mars, Henri II avait été sacré à Reims le 27 juillet.
Alors, qu’est-ce qu’Antoine venait faire dans ce ïrou,
lui qu’on nous représente « suivant alors la Cour et courant le cerf avec autant d’ardeur qu’il courait sus
aux Impériaux » (2).

2 » L’année suivante (1548), il se marie le 21 octobre à
Moulins, en présence du roi. Quelques jours après, la
cour quitte MouHns ; elle est le 28 octobre à Sancerre,
le 2 novembre à Gien.

A Sancerre, Antoine obtient « le congé (de son roi ? de
sa femme ?) d’aller voir à Vendôme sa mère qui y attendait sa bru, et n’avait pas assisté au mariage (3) ». Cette
mère, c’était Françoise d’Alençon qui, de son premier
mari, n’avait eu qu’un enHint. mais de son second mari,

(1) Chronique de Michel Garault, chanoine de Troô, 1^1543-1508).
par M. Nonel, Bullelin, 1878, \). 220.

(2) Antoine de Botirljou et Jehanne d’AWret, par le marquis de
Rochambeau. Bulletin 1878, p. 33.

(3) Antoine de Bourbon et Jeanne d’Albrct, par le baron de Ruble,
tomel, 1881, p. 4.

— 207 —

Charles de Bourbon, en avait eu treize, dont Antoine
était le quatrième, mais l’aîné des fils vivants. Elle
parait, cette matrone, avoir reproché à cet étourneau
d’Antoine d’avoirsi vite quitté sa jeune épousée ; le lendemain en elFet, Jeanne et sa mère arrivèrent à Vendôme,
et la présence de la reine de Navarre, à laquelle le protocole assignait nécessairement le premier rang, concme
l’absence de la noblesse Vendtjmoise envoyée en Guyenne, firent ajourner l’entrée solennelle qui semble
n’avoir jamais eu lieu. « Le reste du mois (donc de
novembre) se passa en fêtes » dit M. de Ruble (p. 5).

Ouelles l’êtes, ei où eurent-elles lieu ? à la Bonne Aventure, répond M. de Rochambeau, qui les met en décembre, parce que le 22 décembre la reine de Navarre
était encore à Vendôme.

« Tout le mois (de décembre) se passa à festoyer. Antoine avait en Vendômois de gais compagnons avec lesquels il aimait à chasser, à guerroyer et à bien vivre,
La tradition locale a conservé quelques échos lointains
de ces réunions.

« Le manoir de la Bonne-Aventure, qui appartenait à
M. de Salmet, un de ficfi officiers, vit naître sous ses
voûtes sombres et au murmure de son frais ruisseau, le
joyeux refi’ain si connu : a La bonne avenlurc au Gm’y) ;
celui de La iMézière, où habitait Raphaël de Taillevis,
son médecin ; celui de la Possonnière, résidence du
poète Ronsard ; et même la gejitilhommière de Prépatour, dont il appréciait le vin blanc, furent autant de
stations qu’Antoine fit visiter à sa jeune épouse, autant
d’actes au programme des réjouissances que le duc de
Vendôme offrait à sa nouvelle famille » (1).

Comment ! il y menait aussi sa belle-mère ? Oh ! mais

(1) Antoine, etc. par M. de llocliamlieau. BuUclin I87S, y. \.

— 208 —

alors c’étaient des visites d’apparat, et ce n’est pas en
notre brumf^ux décembre que Marguerite d’Angouléme
se serait installée dans une prairie à conter quelques
histoires choisies de son Heplaméron.

3" En 1549, voici un séjoui-plus certain :

« Monsieur de Vendôme étoit à Montoire, et il y fut
environ de trois mois et (avec) Madame sa femme ; et au
mois de décembre mourut la reine de Navarre (mère de)
Madame la femme de mond. seigneur de Vendôme » (1).

Le chanoine Garault n’a pas fixé l’époque de l’année,
mais lui-même place ce séjour avant le décès de la
reine de Navarre^ qui mourut à Pau le 21 décembre ;
d’autre part (2), nous savons qu’Antoine avait passé le
début de l’année en Béarn avec sa femme, en était
parti à la fin de mai, pour assister, le 10 juin, au couronnement de Catherine de Médicis, se trouvait le 12 juillet
à la Fère, d’où il partit au début d’août pour accompagner le roi dans son expédition contre Boulogne et les
Anglais.

« Au mois de septembre, dit de Ruble, il quitta secrètement le camp : son départ subit, irresque wystérieux^
coïncidait avec certains mouvements de troupes en
Béarn. »

Eh ! non, il allait tout bonnement rejoindre sa femme à
Montoire. Au mois de juillet, Jeanne, restée en Béarn,
s’était mise en route pour rejoindre son mari qui devait
aller au devant d’elle jusqu’à Poitiers ; elle reçut en
chemin une lettre d’Antoine, du 8 août, jour de son
départ pour la guerre ; il l’informiiit du contre temps,
lui disait combien sa mère tenait à l’avoir à la Flèche,
et ajoutait rondement : (i Allés-y, et quant il vous

(1) Chronique de Michel Garault, etc., p. 231.

(2) Antoine, etc., par de Ruble, tome I,p.29.

— 209 —

enuira avecq elle, allés-vous chez nous (à Vendôme) et
prenés excuse de vous y aller à nos allures qui vous
contraigne de fère un voiage. Sy d’aventure vous y
trovez bien ... » (i). Mais Jeanne s’en donna de garde,
l’e.xcuse kiijyrise, et les jeunes mariés demeurèrent ensemble à Monloire de septembre à décembre, époque
des vendanges et de la cliasse. La nouvelle de la mort
de la reine de Navarre les obligea à partir pour le
Béarn, mais ils partirent ensemble.

4" Le 29 mai 1555, (date donnée par la notice de
Claude Régin et suivie par de Ruble), le roi de Navarre ,
Henri d’Albret, mourut à Hagetman dans les Landes,
trois mois après la naissance à Gaillon du comte de
Maries, le troisième enfant de Jeanne. Antoine, qui avait
quitté la Picardie dès les premières nouvelles, rejoignit
sa femme en Saintonge, et tous deux arrivèrent à Pau
vers la mi-juin.

Le 13 avril 1556, Jeanne donna lu jour à une lille qui
mourut le 26, avant d’avoir reçu un nom. Vers la mi-novembre, les nouveaux roi et reine de Navarre, amenant le futur Henri IV qui allait avoir trois ans, se
mirant en route pour Paris où Henri H leur préparait
une réception solennelle. Ils allaient à petites journées,
se faisant la main aux réceptions des petites villes de
leurs domaines. A la fin de janvier, Antoine est à Vendôme, et là se dénoua violemment une intrigue, qu’en
cachette du roi de France, il suivait depuis deux ans
avec l’Espagne. Antoine, qui avait héi’ité du rêve dus
d’Albret, réclamait la restitution de la Navarre espagnole. Philippe II répondait un lui offrant le trône de
France, mais d’une France donl il se réservait une
moitié.

il) Lettres d’Antoine..., elc, p. IT ».

 210 —

Enfin, le 2 décembre, il envoya de Bruxelles au duc
d’Albuquerque à Pampelune des choses plus raisonnables ; il proposait à Antoine le duché de Milan, en retour
des places fortes de la Navarre (1). La lettre, arrivée le
’J ] janvier 1557, fut communiquée aussitôt au secrétaire
du roi de Navarre à Saint-Palais, lequel prévint son
maitre. « x\ntoine, transporté de joie^, mais n’osant
interrompre son voyage à la Cour, envoya l’ordre à son
secrétaire de le rejoindre avec l’agent du roi d’Espagne,
Descurra, sans grand équipage et en dissimulant sa qualité, à Vendôme^ où il allait visiter ses vassaux » (2).

Descurra, accompagné du secrétaire, partit le 17 janvier « et se dirigea à grandes journées vers la ville de
Vendôme. Il arriva le 30 à Mézières au Perche, en
Beauce (sic), et s’arrêta chez Raphaël de Taillevis,
médecin d’origine espagnole, attaché à la maison du
prince » (3). Dans son récit de l’entrevue, daté de Pampelune du 21 février, d’Albuquerque dit que Vendôme
est à « 38 léguas de Paris » (comme les distances s’allongent avec les siècles !), et que Descurra arriva « à
Mesières dos léguas de la villa de Vandoma a casa de
un medico del dicho Vandoma (le duc) que es natural
espanol » (i).

Raphaël de Taillevis qui, lors de l’organisation de la
maison de Jeanne devenue reine, avait été attaché
comme 3*" médecin, avait déjà reçu d’elle, par lettres patentes du 8 août 1552, un don de 50 arpents de terre
dans les forêts de Montoire et de Laverdun (5). En
1555. Antoine revenait sur ce don, et écrivait à sa

(1) Antoine, etc., par de Ruble, t. I, p. 176.

(2) Antoine, etc., par de Uuble, t. I, p. 177.

(3) Antoine, etc., par de Ruble, t. I, p. 178.

(4) Antoine, etc., par de Ruble, 1. 1, pièces justificatives, p. 392.

(5) Antoine, etc., par de Kuble, t. I, p. 74 (note 1).

— 211 —

femme avec une aigreur inusitée : « Rapharl dit... (jue
vous luy avez faict ungne lettre de don sy bien faicte,...
que il n’est plus en nous de les ravoir, sy luy plaist et à
sa famme. Je crois que le secrétaire qui les luy a despèchée y a plus mis que ne vouUiez « , et il refusait de faire
la vente, que Jeanne se pressait trop de lui proposer,
d’une métairie au beau-père de Raphaél (Jehan Rouer,
seigneur d’Authon-en-Beauce) : « Il me semble que ne
debvés vandre de nostre propre pour poicr debtes qui
peuvent bien atendre dix ans, attendu qu’il a esté du
demourant très bien paie, et nioy très mal seruy » (1).

Bientôt parut le secrétaire du roi de Navarre, Victor
Brodeau, et une heure après, Antoine arriva. La conférence s’engagea sur la lettre du 2 décembre. Antoine lit
remarquer avec raison qu’une proposition semblable
avait besoin d’être cautionnée ; devait-il commencer par
livrer ses places avant d’être mis en possession du Milanais ? Descurra demanda que l’on fit contiance à son
maitre, Antoine riposta qu’on pouvait lui faire le même
honneur. C’est toujours, lorsqu’on en arrive à parler de
confiance, que la défiance saisit les interlocuteurs. Sur
une riposte maladroite de Descurra, Antoine saisit tous
les papiers dans la main de lagent et les jeta au feu, puis
repartit pour Vendôme à G heures du soir, laissant Descurra continuer à batailler avec son hôte, probablement
en castillan. Le i février, sans s’être revus, l’un partit
pour son Espagne, et l’autre pour Paris, avec une
escorte d’honneur que le roi de France avait envoyée
au devant de lui (2).

50 En 1558, revirement complet ; Antoine, las d’être
berné par les Espagnols, se décide à tenter la fortune des

(1) Lettres (l’Antoine... Lettre 74, p. 95.

(2) Antoine, etc., par de Riihle, t. I, i)p. 179 à 181.

 212 -

armes, et obtient le plein concours du roi de France. Tl
quitte la cour le 5 novembre ; le ’il, il était encore à Vendôme, attendant avec anxiété des nouvelles des négociations finales ; enfin, le 6 décembre, il reçoit un message
qui, écrit-il au roi de France « m’a faict incontinent
mectre le pied à l’estrier pour prendre la poste en ce lieu
de Bloys » (1) ; le 7, il partit de Blois en poste pour le
Béarn, et la guerre commença ; mais elle fut si mal
conduite qu’il fallut battre précipitamment en retraite, et
le traité de Gateau-Gambrésis survint à propos pour
sauver la situation (2).

6" Mais la France n’avait pas soutenu les prétentions
d’Antoine sur la Navarre ; aussi resta-t-il en Béarn,
boudant le roi et la Gour ; il y était encore, lorsqu’il
reçut la nouvelle de l’accident d’Henri II (30 juin 1559)
et de sa mort (10 juillet). Pressé de divers^ côtés d’aller
à la Gour, il se mit en route le 22 juillet avec une escorte
nombreuse. A Vendôme, il trouva tous les mécontents,
tous les membres de sa famille, et de nombreux ministres protestants accourus pour l’écbauffer. Une conférence eut lieu, et il fut décidé qu’Antoine irait à la
Gour et se ferait l’organe de toutes les plaintes. Il arriva
à Saint-Germain le 18 août, et l’on sait assez qu’il n’osa
pas.

7° Il est encore à Vendôme à la fin d’octobre 1560,
venant aux Etats-Généraux avec son frère Gondé. Le
30 octobre, il entrait à Orléans, Gondé était arrêté, et
lui rardé à vue.

Ge fut assurément son dernier passage à Vendôme.

Maintenant que nous en avons fini avec les Holes,
nous pouvons revenir à la série des Propriétaires de la

(1) Lettres d’Antoine, etc., lettre 121, p. 159.

(2) Antoine, etc., I, p. 295.

— 213 —

Bonne Aventure. Malheureusement, les litres conservés
présentent une énorme lacune de plus de quarante
années.

En 1533 et 1534, deu.x actes nous donnent « Nycoilas
Cirard, seigneur de la Bonne /Vventure, demeurant en
la ville de Bloys, paroisse Sainct-Soullaine et Claude de
Saulle, sa femme ».

Je viens de le retrouver, ce Nycollns Girard ; ce n’est
pas, comme je le supposais dans ma première partie
(Bulletin 1905, p. !2G9), un marchand de Blois enrichi,
c’est bien mieux :

c(Saint-Grermain-en-Laye,30 mars 1533 (v. st.). — Don à
(Nicolas Girard, dit) Salmet, barbier et valet de chambre
du roi, de tous les droits seigneuriaux dûs à sa Majesté,
à cause de l’acquisition faite par ledit barbier de la terre
et seigneurie du Ghalonge, mouvants du château d’Angers ))(!).

Ciseaux et rasoir ! c’est, ne vous déplaise, l’octaïeul
d’Alfred de Musset.

Voici maintenant quelques renseignements, puisés aux
Archives Départementales, sur Claude de Saulle, sa
femme.

En 1559, elle est qualifiée de « dame d’Ouschettes,
paroisse de Boesseau, et veuve (en secondes ncces, je
présume) de noble homme Guillaume de Feue ? seigneur
d’Iscouay ».

De son premier mariage avec Nycoilas Girard, elle a eu
sûrement : 1° Jehan de Salmet (jamais Girard), que
nous allons retrouver tout à l’heure ; ’io Marie Girard,
dite de Salmet ; 3o et très probal)lement « . Françoyse de
Salmet, dame de la seigneurie d’Ouschettes, veuve de

(1) Cataluguc des Actes de François I, loiuc il, puMié vn novembre 1888, no G9G0.

— 214 —

noble homme Adrian de Saint-Amaiid, escuyer, seigneur
de Velud » (acte de 1574).

Marie Girard avait épousé le 8 février 1537 Claude I
Musset, lieutenant, depuis le 12 août 1526, du bailli de
Blois, mort lieutenant général du présidial avant 1559. Je
la trouve remariée avant mai 15(31, à Claude de Bombelles, écuyer, sieur de La vau, mort avant 1592.

Dès 152o, ce Claude qualifié de secrétaire du roi, lait
déclaration de foi et homage au roi pour sa seigneurie de
Lavau, mouvante d’Amboise (1). En juillet 1528, (jualifié
de secrétaire et valet de chambre du roi, il est envoyé en
Angleterre porter des lettres (2). En novembre de la
même année, notaire et secrétaire du roi et son valet de
chambre ordinaire, il est envoyé en Suisse porter (bs
lettres (3). En 1529, il reçoit 240 livres pour ses gages de
valet de chambre de l’an 1528(1). En 1533, il est encore
chargé de commissions (5).

C’est de cette famille qu’est issu le consolateur de
Marie-Louise.

En 1577, apparaît « noble homme Jehan de Salmet,
sieur du Plessis soubz Pontgouyn (canton de Courville^,
Eure-et-Loir) et de la Ronnadventure )\ qui, le 30 décembre, renouvelle pour 9 ans, à la veuve BouUiffard-Joussard et à son fils, le bail à ferme des mestairyes de
la Hacherye et de la B. A., moyennant une rente de
quatre mynes et demy de bled, douze chappons et douze
poullets.

Il est évident que le bailleur habite le manoir de la

(1) Catalogue des actes, etc,, t. V, no 17G6 !2.

(2) id. t. 1, no 3012.

(3) id. t. Vf. no 19t)86.

(4) id. t. I, no 3427.

(5) id. t. II, nos 6514 et 6515.

— 215 —

B. A., car il se réserve « les logis et manoir, couilombier, eiiclostures estant près de ladite maison, la
garanne, l^s vignes et les bois tant de haulte fustaye que
de taillis » ; et puis encore : « six sepirées de terre auprès
la maison, que ledit sieur retient et a retenues de tout
temps, deux quartiers de pré assis davant le corps de
maison dudit lieu en la prarye du Gué-du-Loir, le
moullin, terres et prés en dépendant. »

En outre de la rente, les fermiers devront lui v amener
les vendanges des vieilles et jeunes vignes de la B. A.,
lui charroyer vingt chartées de fumier à mettre tous les
ans aux vieilles vignes » et chaque fois le bailleur
nourrira bètes et gens ; « lui amener en sa maison de la
B. A., tous ses foings et regains pour la provision de ses
chevaulx », labourer et cultiver ses terres réservées,
mener les fumiers, ramener les récoltes, lui amener ses
fagots des taillis de la Hacherye, entretenir ses haies,
laisser les pailles et agrats à la fin du bail, aller moudre
à son moulin, et lui « faire douze charrois par chacun an
à trois lieues loingde la B. A. »

Trois mois avant, le 17 septembre 1577, avait été
conclue la paix de R3rgerac, le 6^ traité de paix et le
plus avantageux que les protestants eussent encore
obtenu. Le 28 février 1579, un traité explicatif est signé
à Nérac, et le roi de Navarre reçoit onze nouvelles
places de sûreté, rendables le l’’’ octobre.

Jehan de Salmet commença à prendre peur. Une paix
qui a besoin de tant de garanties n’est pas solide. Son
manoir est sur une route très fréquentée, et ce serait le
moment de s’en écarter. Aussi, il éprouva le besoin de
se fortifier. En loyal vassal, il en demande l’autorisation à
son suzerain, le duc de Vendôme qui est surtout roi de

— ’2J6 —

Navarre, et qui en ce moment habite à Eauze, avec sa
femme, par hasard.

C’est là que le ’26 juin le suzerain signa de sa main
l’autorisation. Le secrétaire est évidemment un gascon,
car il écrit la Bone Venture, et c’est la seule fois où le
nom du fief est ainsi orthographié.

Le roi déclare « . que nostre cher et bien amé le sieur
de Salmet, seigneur du Lieu Terre et Seig’^neurie de
Boneventure, lequel est d’assez bon renom et scitué en
lieu propre pour faire un pont levis, nous auroit suplié
qu’en considération des bons et agréables services que
ses prédécesseurs sieurs dudit lieu ont faicts aux feiiz Roy
et Reijne nos aijeid cl o[/ea.v, nous heussions à lui
donner congé construire et édifier ledit pont levis. d

A quoi refait donc le secrétaire ? copiait-il le formulaire de la chancellerie de France ? Les Roy et Reyne
ayeul et ayeux d’Henri IV ? Mais il n’en a pas d’autres
que les rois de Navarre, père et ancêtres de sa mère !
Quelles relations ont bien pu exister entre ces rois et la
famille Girard de Blois ? Les prédécesseurs de Jehan de
Salmet ? C’est son père Nycollas Clirard, c’est Vyé ;
serait-ce le médecin italien de Louis XII ? Mais Louis XII
n’a jamais été Vayeul d’Henri IV ! De son côté paternel,
en fait de rois ayeux, Henri IV n’a jamais eu que Saint-Louis, mort en dSTO.

Enfin, a pour ces causes, il octroyé audit de Salmet
congé, licence et permission de faire construire et édifier
audit lieu de la B. A. ung pont levis au lieu plus propre
et convenable que bon luy semblera. »

Le 28 août, lecture, publication et enregistrement des
Lettres en la Chambre du Conseil et des Comptes du
Roy de Navarre à Vendôme. Le 23 janvier 1580, René
de Verdelay, escuier, sieur de Coulonges, etc., bailly du
Vendômois, rend au profit de « jehan de Salmet,

— 217 —

escuier, sieur du Lieu Terre et Seigneurie de la Bonnaventure » une ordonnance d’entérinement, et ordonne
l’enregistrejnent de ces lettres au grefl’e du bailliage.

C/est à la fin de cette même année, le 9 novembre, que
le neveu de Jeban de Salmet, Guillaume Musset, épouse
Cassandre de Peigné.

Le 9 mars 1585 « Jehan Salmé, écuyer, sieur de la
Bonaventure, » est parrain à Mazangé (1).

En 1589, la guerre se rapproche encore une fois de
notre région. Le 24 avril, l’avant-garde de Mayenne est à
Vendôme, conduite par Rosne ce mareschal général en
l’armée de la Saincte Union », qui trouve le temps d’être
parrain (2) et de faire prisonniers les membres du Grand
Gonseil du roi ; Bénéhart, a practiqué de longue
main » (3) ; lui a livré la ville, cette trahison lui coûtera
la vie le i9 novembre suivant. Le 30 avril, les deux rois
de France et de Navarre se réunissent à Plessis-lès-Tours, et après avoir repoussé le 8 mai le coup de
main de Mayenne sur Tours, ils décident de pousser sur
Paris, par Blois, Baugency, Gergeau... ce qui s’exécuta
pendant le mois de juin.

C’est le moment de prendre des précautions ; la B. A.
a des murs de clôture, un pont levis, donc des fossés ;
mais à quoi sert tout cela, s’il faut loger les gens de
guerre, c’est-à-dire, introduire r ennemi dans la place ?
Aussi Henri 111 donne à Tours, le 3 juin, une sauvegarde : « A tous nos gouverneurs, etc. Nous vous iiiliibons... que vous n’aiez... à loger... mcî permettre loger

(1) Recherches dans l’rtat civil de Mazangé, [lar M. de S ;iint- Venant,
dans son article ; (’)i testament dans la famille Auc/nj. Bulletin,
1903, |). 21S.

(2) Etat civil de Vendôme, re^^’islre paroissial de Saint-Martin.

(3i Nouvelle coUecllon tic .Ur/xo/jvs (f’Jirdnntnijic normaire de
Palma-Gayet), tome Nil, p. I2(i, cul. ^i.

— 218 —

ne vos trains ou bagages en ladite maison de la Bonne
Adventure ny y prendre fourrages ne emporter aucune
chose, sinon en payant raisonnablement ;... d’autant que
nous avons prins ladite maison en notre protection et sauvegarde » (c’est par où l’on voit que le logement des
troupes royales était considéré par le roi de France lui-même comme un véritable fléau).

Je n’ai pas dit encore à qui cette sauvegarde ava.t été
donnée ; ce n’est pas très facile : il y avait d’abord sur la
pièce le nom de Salmet ; ce nom a été gratté, et une
autre main, postérieure, écrivit : Charles Mussd. Or,
Charles T’" de Musset, ne reçut la B. A., qu’à la mort
de son aïeule, Marie Girard, après 1601. Il faut donc
admettre que sous Henri IV, peut-être même sous
Louis XIII, on aura voulu faire servir encore cette sauvegarde ; et n’oublions pas que ce Charles était lui-même
un homme de guerre.

L’année 1592 arrive ; depuis le 11 novembre le siège
de Rouen est commencé par Henri IV ; le duc de Parme
et Mayenne arrivent pour le lui faire lever et vont
réussir : le 5 février a eu lieu la déroute d’Aumale.

Le 19 février 1592 ;, par devant Jehan Lemaistre^, « otaire à Vendôme, en son estude^, comparait en personne :
« damoiselle Marie de Salmet, vefve de delïunct Claude
de Bombelles, vivant escuier, sieur de Lavau, dame de
Binas et de la Bonne Adventure, — héritière de delTunct
Jehan de Salmet, son frère, vivant escuier, sieur de
ladicte terre et seigneurie de la Bonne Adventure, — estant
ladite damoiselle de présent en ceste ville de Vendosme. »

Elle donne pouvoir à son fermier de la B. A., Denis
Martin, d’aller à Villeprouvaire olfrir à NicoUas de
Dampmartin, escuier, sieur de la Mauvoisinière, curateur aux enfans mineurs de deffunct Hugues de Damp-

— 219 —

martin, escuier, sieur de Villeprouvaire, la foy et hommage qu’elle doit pour raison du moullin et appartenances appelle le Aloullin de la llotterye, dépendant de
ladite seigneurie de la R.A., et ollriraud. sieur lerachapt
à luy deu (donc le décès de son frère est tout récent).

Et aussi de a prier ledit sieur (de Dampmartin) de
dispenser ladite damoiselle de la comparution personnelle (obligatoire alors), à cause de sa qualité, de l’injure
et malice de ce temps, qui ne permet qu’elle puisse seurement s’acheminer audict lieu seigneurial de Villeprouvaire ».

En mai 4594, elle réside encore à Vendôme ; c’est chez
elle que décède son petit-Iils Claude de Musset. C’est au
nom de ses deux petits-lils survivants, Erançois et Charles,
qui étaient aussi les petits-fils de Cassandre Salviati,
qu’elle rendit foy et hommage, le 10 février 1598, à
Hurault, pour le lie ! de la Courtoisie qui finit par demeurer à Charles. Ce n’est qu’en 1(110 que l’on voit demeurer
à laB. A., Charles I*^"^ de Musset^ qui avait 22 ans, et qui
fonda la branche des Musset de la Bonne Aventure,
pendant que son frère aine François gardait le château
de Pray, qui venait des Peigné.

Charles [••’" de Musset, baptisé en l’église de Pray, le
10 août 1588, épousa, après contrat Delaunay, notaire à
lîlois, le 12 novembre 1010, au Temple prolefitant de
Blois le 17, Madeleine Bazin, fille de Isaac Bazin, avocat
en parlement, sieur de Crémoux et de Chesnay, et de
N. Bothereau. Tué dans la guerre de la Valteline en
1025, il laissa deux enfants : Marie de Musset, baptisée
au Temple de Blois le 11 décembre 1017, et Charles II de
M., né vers 1020.

Celui-ci acquit en IGi.’5, la Terre, Fief et Seigneurie
de la Uipaupière, moyennant 10,0(M) livres payés comp-

— 220 

tant, et a une montre de valleur de 250 livres pour pot
de vin. »

Charles TT de Musset était appelé le capitaine Bonaventure ; il fut tué au siège du fort de Mardick le
28 juillet 1645. Sa femme, Anne Moreau de la Boissière était déjà morte. Leurs trois enfants furent donc
mis sous la tutelle de la protestante Madeleine Bazin,
remariée depuis février 1028 à Enoch le Breton, seigneur de Chanseaux en Touraine, auquel elle donna
cinq enfants qui semblent être restés protestants ; elle
mourut vers 1064.

Charles IH de Musset^ marié en 1678 à Marie-Jeanne
de Pathay, et mort en 1699 à la Bonne Aventure, rentra
dans l’église catholique, puisque ses cinq enfants furent
IjTptisés en l’église de Mazangé.

En 1755,1a B. A. appartient au 4^ enlant de GharlesIII,
Louis-François de M., chevalier, seigneur de la Bonne
Aventure, capitaine des grenadiers au régiment de
Chartres-Infanterie ; i\ nous apprend dans une requête
que l’on vient de tracer la grand route du Mans à Blois,
au travers de l’une de ses pièces de terre.

Louis-François, marié en 1723, mourut sans postérité.
La B. A. revint à son neveu Louis-François de M. marquis de Congners (1709-1771), lils aîné de Charles-Antoine de Musset-du Bellay (1083-1732).

En 1772, sa 2e femme, Suzanne-Angélique du Tillet,
fit dresser « . l’état de visite du château et terre de la
B. A. » qu’elle donnait à bail à Denis Boidanger
« bourgeois de Paris et fermier général de la B. A. »

Elle mourut à Vendôme le 28 septembre 1793, et la
B. A. échut à sa 4« * enfant, Jeanne-Françoise Bonne de
M., qui, le 10 lloréal an VI (29 avril 1798), vendit lu

— 221 —

terre et métairie de la B. A. à Ciilles Uoliveux, fermier
depuis 1780, moyennant 50 mille livres, payables en
numéraire métallique, dont 20 mille payables seulement
après son décès (survenu à Paris le 26 mai 1800), et
aussi après le décès de la veuve Souin-Adam, ma cousine, qui décéda à Vendôme, le 6 décembre 1820.

Le 30 nivôse an X (24 janvier 1802), la veuve Gilles
Doliveux vendit la B. A. à Paul Rodrigue, qui s’y
installa aussitôt. Paul Rodrigue, fils de Michel Rodrigue, négociant à la Rochelle, trésorier de France,
et de Marguerite Lartigue, né à la Rochelle, le 17 décembre 1755, était un prêtre oratorien qui avait épousé à
Vendôme, à 7 heures du soir, le 5 germinal an II,
Marie-Madeleine-Catherine (Louise) de Musset, petite-fille de Charles-Antoine de M., née à Lunay le 29 avril
1760, élevée à Saint-Gyr, et nommée en 1789 chanoinesse du chapitre noble de Troarn en Bayeux. En
l’an IV, Rodrigue était expéditionnaire. L’union ne lut
pas heureuse, et se termina par un divorce par consentement mutuel prononcé le 9 brumaire an X. Ces renseignements m’ont été donnés par notre regretté collègue
M. A. de Trémault.

Paul Rodrigue revendit la B. A. et la Ilacherie, le
21 septembre 1809, à son beau-frère Victor-Donatien de
Musset-de Palhay, propriétaire, demeurant à Paris, 33,
rue des Noyers, pour les vingt mille livres payables aux
héritiers de M"*’ Boime de M., car il réservait l’usufruit
sa vie durant, et après lui, pour la vie de son ex-femme,
qui ne mourut que le 12 septembre 1847, à Tours.

Le 31 mars 1847, la veuve Rodrigue, la veuve de
Victor Donatien et ses trois enfants, dont Alfred de
Musset, revendirent la terre de la B. A. et la métairie de
la Ilacherie, à Gervais-llippolyte Renard, régisseur des

13

— 2’22 —

biens de M. de Verthamon, demeurant sur la terre
d’Ambloy, moyennant 110 mille francs.

Renard la vendit en 1853 aux époux de la Marlier-de
Taillevis-de Jupeaux ; Madame de Sachy la reçut en dot
de ses parents par son contrat de mariage (Me Duvau,
24 avril 1854), et l’échangea le 10 novembre 1869 contre
la terre de l’Epau ; la veuve de M. Grosnier, député, qui
avait fait cet échange, mit en vente la B. A., et le château fut adjugé le 4 décembre 1869 à M. Hème-Chaufournais.

 

Ce double article se conclut par un appendice assez drôle :

APPENDICE

Le Mercure de France (17e année) a publié dans ses deux numéros
des 15 mai et ler juin 1900 une étude de M. Léon Séché, directeur de
la Revue de la Renaissance et des Annales Romantiques, intitulée :
« Les Oriyines d’Alfred de Musset, — le Pays, l’Homme et r(y.uvre,
— d’après des documents inédits. » Pour remplir un programme aussi
vaste, ce n’était pas trop de diviser l’étude en deux parties : la première (p. 181-199) a pour objet le Pays.

Le pays d’Alfred de Musset ? Jusqu’à présent nous croyions savoir
que c’était Paris, soit la rue des Noyers, soit le boulevard de Gand,
mais Paris enfin. Il n’en est rien, M. Léon Séché vient de le découvrir
et le révèle au monde civilisé, à notre extrême confusion, ;" ! nous autres
Vendômois : car ce pays, ce serait notre Bonne Aventure du Gué du
Loir ; c’est là en effet que les ancêtres d’Alfred de Musset sont « nés
pour la plupart » (p. 181).

« Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », a dit le
poète. Moi, je veux bien ; mais d’autre part, ce mot « ancêtres » est bien
vague ; il faudrait pourtant ne jamais oublier que tout être vivant a eu
besoin, pour voir le jour, d’avoir : deux parents, quatre aïeuls, huit
bisaïeuls, seize trisaïeuls, etc.... ; et que chacun de ces 2, 4, 8, 16 ancêtres représente autant de familles bien distinctes. Evidemment
l’aufeur a voulu désigner, non pas seulement les ancêtres paternels,
mais parmi eux, seulement les ancêtres du nom de Musset.

Même ainsi restreinte, l’affirmation est encore inexacte.

Comme son frère, comme sa sœur Madame Paul Rodrigue, le père
d’Alfred est né à la Vandourière en Lunay, achetée par son propre
père en 1754. 11 possédait si peu héréditairement la B. A., qu’il fu*
obligé de l’acheter de son beau-frère Rodrigue en septembre 1809, un
peu plus d’un an avant la naissance d’Alfred. Mais ni lui, ni ses enfants
n’en ont jamais eu la jouissance, car il n’avait acquis que la nue propriété. Or, il est mort en 1832, et l’usufruitière, la divorcée Madame
Rodrigue n’est morte à Tours qu’en 18i7, ayant pendant tout le cours
de son usufruit loué et altermé manoir et terres ; cinq mois avant sa
mort, elle, l’usufruitière, se réunit — sur le papier du notaire de Vendôme — aux nu-propriéiaires : Alfred, son frère et sa sœur, pour
vendre le tout, et aucun d’eux ne vint à Vendôme passer l’acte de
vente. Allez donc maintenant déplorer que le père d’Alfred ait été chef
de bureau de ministère, ce qui aurait empêché Alfred de naître dans
le nid de ses aïeux ! (p. 192).

Le grand-père d’Alfred (de Musset-de-Besnard) était né à la R. A,,
parce que son père la possédait ; mais lui ne la posséda jamais, puisqu’elle échut à son frère, le marquis de Congners. Le bïsaieul d’Alfred
(de Musset-du-Bellay I, son trisaïeul (de Muss3t-de-Patbay), son quadrisaïeul (le capitaine Bonaventure), son quintaïeul (de Musset-Bazin)
l’ont possédée ; mais quand l’ont-ils habitée ? tous, en effet, ont été au
service, jusques et y compris le propre aïeul d’Alfred ; le bisaïeul et le
trisaïeul sont morts à la B. A., mais le quadrisaïeul est mort en
Flandre, en 1G45, et le quintaïeul en Valteline, en 1G25.

Reste alors le pays lui-même, et nous espérions voir l’auteur
prendre là une facile revanche ; il est .si joli, si coquet, a ce coin du
pays Vendùiuois » (p. 181 1, et si vivement « il nous sourit entre tous, "
qu’il nous semble aisé d’en dire le charme avec élégance et précision.
M. Léon Séché nous paraît n’avoir pas été favorisé.

Il nous dit être arrivé à Vendôme par le train de 4 heures du matin ;
il saute dans la voiture des dépêches de Montoire (non ! de Lunay i, et
« hue les belles attelées en flèche ! « (p. 181 1 . c Ma première impression ne fut pas bonne : quel pays plat ! Mais nous sommes en
pleine Beauce ! » (p. 182). C’est à la hauteur de Rochambeau que
M. Séché « pousse cette exclamation méprisante ». Donc, il n’a
vu : ni le coteau de Lubidé, ni le coteau de Montrieux, ni la côte
de Villiers ; il y a de ces grâces d’état ! De même, c’est seulement
devant les grottes St-André qu’il voit le Loir ; comment a-t-il fait pour
ne le voir ni aux Murs, ni à St-Mard, ni avant le n)oulin à papier, ni
au pont de Naveil, alors qu’assis à gauciio du coclier, .sa vue s’étendait
librement sur le Loir, qui faisait pourtant exprès de se trouver à sa
gauche.

Au sommet de la côte de Villiers, .son conducteur l’a rassuré et
alléché : « tout à l’heure nous allons entrer dans le Vendômois ». Ah !
ça, Vendôme ne fait donc plus partie du Vendômois ? Voici Villiers
dépassé, et cette fois « nous ne sommes plus en Beauce, mais en
Touraine » (p. 183). Mais non ! vous êtes en plein Vendômois, et même
Vendômois ancien. Pour bien affirmer son parisianisme, il entre « tuer
le ver » dans une auberge, à la tète du pont où le Boulon se jette dans
le Loir, » (p. 187), et voilà ce brave vieux pont transformé en aqueduc !
Jamais les gens du pays n’avaient su voir tant de choses !

Enfin, après tant de découvertes, voici l’auteur devant le manoir de
la Bonnaventure, qu’il orthographie ainsi, parce que, nouvelle découverte, la dénomination usuelle de Bonne Aventure est une corruption
(p. 188, note 1) ; comme il émet la prétention de nous renseigner, les
erreurs vont abonder. Ainsi « ce manoir du xve siècle d ne peut avoir
été une « ancienne dépendance de la maison des Templiers de Vendôme », puisque dès 1312, les Templiers ont été supprimés par toute
la France. Ce n’est pas « au début du xvie siècle », c’est à peine au
milieu, que Jehan de Salmet en hérita de son père Nycollas Girard :
était-il « compagnon d’armes et ami d’Antoine de Bourlion ? » Je n’en
sais rien, et M. Séché encore bien moins. Peut-on dire qu’Antoine fit
de ce manoir « un lieu de délices ? » Oui, quand oi^ nous produira le
document très inédit que je réclame, et qui assurerait au pauvre
Salmet une bien jolie réputation.

Il est encore inexact de dire que « la famille de Musset y fréquentait
beaucoup » (p. 188), car Marie Girard, la fille de Nycollas, a hérité de
la B. A. par la mort de son frère Jehan de Salmet, en 1592, longtemps
après la mort de son mari ; et son propre fils étant mort avant elle, ce
sont ses petits-fils qui l’ont héritée d’elle. Ce n’est donc pas là qu’a
pu avoir lieu, en 1580, la noce de la fille de Cassandre avec Guillaume
de Musset.

Ce n’est pas non plus Claude I de Musset qui put prendre ;p. 190 ;,
la fameuse devise, par le seul fait de son mariage, en 1537, avec
Marie Girard ; ce fut seulement son petit-fils Charles I »’’" de Musset,
entre lOOo et 1010, après qu’il eut hérité la B, A. de son aïeule Marie
Girard, qui ne mourut que vers 1605, et qui elle même ne l’avait
hérité de son frère que vers 1592.

Relevons en passant cette amusante affirmation (p. 191), que jusqu’au xvnie siècle « les seigneurs de la B. A. s’étaient appWjués de
père en fils, à n’avoir qu’un seul héritier mate ». Rien n’est plus
inexact, on vient d’en avoir la preuve, et il suffit d’ailleurs de regarder
le tableau généalogique, pourtant soigneusement élagué, publié par
M. Séché lui-même (pp. 184 et 185).

Il faudrait encore protester contre cette affirmation étonnante (p. 1i)G)
que « les ducs de Vendôme ont rendu les coteaux du Loir plus
imposants en les couronnant de tours carrées et de tours rondes ». Ce n’est
pas à partir de 1515 que les tours ont été élevées, c’est au contraire à
partir de cette époque qu’elles sont tombées en ruines.

Mais peut-on tout relever ? Je veux terminer cependant par une dernière découverte, bien inédite celle-là, celle d’un oncle d’Alfred de
Musset, que M. Séché appelle Rodrigue Musset. Il n’y a jamais eu de
Rodrigue Musset ; il y a eu un oncle Paul Rodrigue marié à une de
Musset ; c’est moi-même qui l’ai appris à M. Séché, un peu sommairement,
c’est vrai ; M. Séché n’a pas compris, c’est de ma faute ;
pour se couvrir, il n’avait qu’à dire en note l’auteur du renseignement,
il le devait d’ailleurs, car c’est le seul document inédit de son œuvre.
Puisse-t-il ne pas oublier non plus le monument à élever aux frères
du Bellay.


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