Auteur de l’énorme Dictionnaire Topographique, Historique, Biographique, Généalogique et Héraldique du Vendômois (publié entre 1912 et 1917), Raoul de Saint Venant consacre, pages 170-171, une entrée au Gué du Loir. Ce Dictionnaire, consultable à la bibliothèque de Vendôme, a été numérisé par la société archéologique du Vendômois qui propose sur son site de le télécharger http://www.vendomois.fr/societeArch... ; le Gué du Loir figure dans le tome II (page 87 du PDF).
Gué du Loir (Le), village, commune de Mazangé, situé sur le Boulon à son embouchure dans le Loir ; station de tramways sur la ligne de Vendôme à Mondoubleau, lieu d’embranchement sur Droué et la Ville-aux-Clercs. — 129 habitants en comprenant les annexes de la Hotterie et de la Bonaventure.
Le Gué du Loir lui-même formait différents fiefs relevant de divers seigneurs. La prévôté de Mazangé, l’Hôtel-Dieu et le seigneur de Villeprouvaire en étaient les principaux.
Ce nom de Gué-du-Loir lui vient d’un gué sur la rivière du Loir aujourd’hui effondré ou inutilisé qui servait de passage à l’une des routes antiques allant de Tours à Paris. On voit encore des vestiges de ce gué qui empruntait partie du cours du Boulon à son embouchure.
C’est ce Gué (du Loir) qui a fixé le nom de la chanson de La Bonne-Aventure au Gué, transformée par Molière dans sa pièce du Misanthrope, et par lui immortalisée.
Le lieu du Gué du Loir ne devait se composer dans le principe que des moulins, qui depuis prirent le nom de la Hotterie, puis des maisons situées au pied du coteau bordant les routes allant vers l’est sur Vendôme, et vers le nord sur Azé, toutes sur la rive gauche du Boulon. On y a annexé ensuite celle de la rive droite qui devraient s’appeler La Bonaventure comme le manoir. — (Pour les moulins du Gué du Loir, voir La Hotterie).
Le passage du Boulon était sujet à péage et ce péage relevait en fief, à foy et hommage du duché de Vendôme. — Ce droit de bac à péage ou bac à billette, était possédé au XVIIe siècle par les seigneurs de Villeprouvaire, eux-mêmes possesseurs des moulins de la Hotterie par suite de l’aliénation qui en avait été faite le 6 novembre 1637 par le duc César à Claude de Coutance, seigneur de la Varanne et de Villeprouvaire. — En 1736 ce droit était aux héritiers Roussineau qui en faisaient alors l’aveu et qui en 1746 vendirent au sieur Pierre Augis « le droit de Billette au Gué du Loir » c’est-à-dire le droit de bac.
En 1809 fut établi sur le Boulon un pont de bois qui dura jusqu’en 1860, époque où fut construit le pont de pierre actuel qui sert de passage à la route de Vendôme à Savigny.
Le Gué du Loir est la patrie de la famille Augry. Elle y possédait un fief et une maison appelée Le Grand-Logis, qui, encore aux premières années du XXe s. montrait sa façade de manoir du XVIe s. au-dessus de la route de Vendôme, contre le coteau. Ce logis vient d’être modernisé. Il doit avoir été le lieu de naissance de René Augry, le fondateur, au commencement du XVIIIe s., de la Bibliothèque de Vendôme (Voir sa notice). — La fabrique de Mazangé avait sur ce logis une rente de quatre livres, legs de René Augry en 1699.
Au Gué du Loir existait et subsiste encore un rocher dominant la rivière du Loir et commandant le passage de la route de Vendôme. Ce rocher percé de grottes et d’ouvertures étroites fut utilisé en 1421 par l’armée française au service du Dauphin (depuis Charles VII), pour s’opposer au passage de l’armée anglaise. L’avant-garde de cette armée anglaise fut culbutée et précipitée dans la rivière (d’après la tradition) et l’armée elle-même dut remonter vers le nord. En passant, elle pilla Danzé (toujours d’après la tradition). — De cette action est resté au Gué du Loir le nom de Pré des Anglais ou des Anglas donné à certaine prairie sur le bord du Boulon où les Anglais furent occis et le rocher conserva le nom de Fort. On l’appelle encore Le Fort du Gué du Loir. En 1823, une partie de ce rocher s’étant éboulée, on trouva dans les décombres une certaine quantité de boulets de fonte.
Petigny, pp. 34, 85, 564, 608. — Neilz, Histoire de la Condita de Naveil, pp. 114 à 117. — Bibl. Vendôme, Dictionnaire des Biens de l’Oratoire, ms. 886, p. 74. — Bulletin vendômois, 1862, p. 59 ; 1863, p. 180 ; 1903, p. 221 ; 1905, p. 259 (art. Martellière). — Rochambeau, Le Vendômois épigraphique, I, p. 167. — Launay, Répertoire, p. 139. — Guide du touriste dans le Vendômois, appendice, p. iij.
Parmi les sources :
— la collection Gervais Launay recèle deux gravures du Fort (n° 167 et n° 168)... à suivre !
— Le Vendômois épigraphique, de Rochambeau (n’a rien sur le Fort)
— Histoire archéologique du Vendômois, par M. Jules de Pétigny (1849), propose cette note de bas de page (p. 329) : « Pendant sa captivité, le Vendomois avait toujours tenu le parti du dauphin Charles contre les Bourguignons et les Anglais. En 1421, le roi d’Angleterre, Henri V, était entré de la Normandie dans le Maine, et s’avançait vers Vendôme. Les généraux de Charles se postèrent au gué du Loir pour lui barrer le passage. Henri n’essaya point de le forcer ; mais, remontant vers Azé et passant à travers les forêts de Vendôme et de Fréteval, il surprit le château de Rougemont, près Saint-Jean-Froidmentel, le brûla et fit pendre le capitaine et les soldats qui le défendaient. »
Page 206, l’entrée La Hotterie évoque les moulins du Gué, au nombre de trois : « l’un à tan, l’autre à blé, le troisième à drap ». En 1906, seul le moulin à blé fonctionne encore, « l’autre est une beurrerie ».
Le 7 août 2009 à 07:58, par Stéphane
En 1421, c’est au Gué du Loir que s’est déroulée l’éclatante revanche contre les anglais, 6 ans après la déconfiture de l’armée française lors de la bataille d’Azincourt !!! (à lire la pièce "Henry V" de Shakespeare)
Le 8 août 2009 à 11:13, par Fil
Stéphane, sans vouloir modérer ton enthousiasme, il me semble que le tournant de cette époque c’est la bataille du vieil-Baugé (22 mars 1421), où le duc de Clarence (frère du roi Henri V) se fait désarçonner et trouve la mort http://fr.wikipedia.org/wiki/Batail... ; la bataille du Gué semble n’être qu’une étape mineure au cours de la tentative de repli des « Anglais » vers la Normandie. Il faut aussi tempérer le côté « national » de la chose, car d’une part on pourrait dire que la victoire de Baugé est l’œuvre des Écossais (qui en ont profité pour inventer le golf là-même) ; d’autre part l’armée du dauphin est appelée « française » surtout parce qu’elle a... gagné. Si Henri V avait gagné, il aurait été roi de France, son armée aurait été nommée « française », et l’armée du dauphin aurait été désignée comme « allemande » ou autre. Jeux de pouvoirs sur le dos de la piétaille.
Le 8 août 2009 à 12:48
Merci pour toutes ces informations, je vois que tu connais ton affaire !
Par contre, tu ne connais pas encore mon ironie...et ma passion pour un certain théâtre...Je rêverais d’écrire une pièce clownesque autour de la revanche d’Azincourt au Fort du Gué du Loir...Pourquoi pas ? J’arrive à réaliser un rêve sur dix...Mais pour un tel projet, il faudrait que je découvre l’ensemble des événements aux alentours du Gué lors de la guerre de cent ans. Concernant la guerre de 1870, c’est trop proche de nous, celle-là n’est pas celle que je préfère contrairement à G. Brassens :
" Depuis que l’homme écrit l’Histoire,
Depuis qu’il bataille à coeur joie
Entre mille et une guerre notoires,
Si j’étais tenu de faire un choix,
A l’encontre du vieil Homère,
Je déclarais tout de suite :
"Moi, mon colon, celle que je préfère,
C’est la guerre de quatorze-dix-huit !"
Est-ce à dire que je méprise
Les nobles guerres de jadis,
Que je me soucie comme d’une cerise
De celle de soixante-dix ?
Au contraire, je la révère
Et lui donne un satisfecit
Mais, mon colon, celle que je préfère,
C’est la guerre de quatorze-dix-huit !
Je sais que les guerriers de Sparte
Plantaient pas leurs epées dans l’eau,
Que les grognards de Bonaparte
Tiraient pas leur poudre aux moineaux...
Leurs faits d’armes sont légendaires,
Au garde-à-vous, je les félicite,
Mais, mon colon, celle que je préfère,
C’est la guerre de quatorze-dix-huit !
Bien sûr, celle de l’an quarante
Ne m’as pas tout a fait déçu,
Elle fut longue et massacrante
Et je ne crache pas dessus,
Mais à mon sens, elle ne vaut guère,
Guère plus qu’un premier accessit,
Moi, mon colon, celle que je préfère,
C’est la guerre de quatorze-dix-huit !
Mon but n’est pas de chercher noise
Guerres saintes, guerres sournoises,
Qui n’osent pas dire leur nom,
Chacune a quelque chose pour plaire,
Chacune a son petit mérite,
Mais, mon colon, celle que je préfère,
C’est la guerre de quatorze-dix-huit !
Du fond de son sac à malices,
Mars va sans doute, à l’occasion,
En sortir une - un vrai délice ! -
Qui me fera grosse impression...
En attendant je persévère
A dire que ma guerre favorite,
Celle, mon colon, que je voudrais faire,
C’est la guerre de quatorze-dix-huit !"
Le 8 août 2009 à 13:12, par Fil
J’en amasse autant que possible, et tu verras si tu peux en faire quelque chose. La pièce racontera-t-elle aussi l’invention du golf, et avec l’accent écossais ?
1421 évoque aussi les tripes et boyaux sauce menthe ; 1870 nous parle de soldats malades du typhus et pieds nus dans un froid si glacial et humide que les obus n’explosent plus.
Une chose en commun : le fantassin en chie.